Qui suis-je ?
Je m’appelle Hélène et j’ai été élevée hors des chemins battus. Handicapée de naissance, mes parents m’ont montré que seules l’observation, les tentatives et le travail étaient la meilleure façon de progresser. C’est grâce à cela qu’à l’âge de 9 ans et contre l’avis médical, j’ai commencé l’équitation. En plus de m’apporter beaucoup de bonheur, la pratique de l’équitation a redressé ma scoliose de naissance en une année. Un résultat que la kinésithérapie n’était pas parvenu à faire en 5 ans.
A l’adolescence, je passe à cheval. Le club hippique est très attentif à moi et me confie des chevaux sûrs. Mais depuis les choses ont changé …
Euphorico :
En 2015, un lusitanien âgé de 4 ans est arrivé au club. Lorsqu’il sort de son box, tout le monde se retourne tant il est magnifique. Cependant il appartient à un propriétaire, José. Il est rare de monter les chevaux de propriétaire d’après les rumeurs. Mais les rumeurs, on sait les dépasser chez la famille Carré. Ma mère est allée voir José pour lui demander si je pouvais monter Euphorico.

C’est ainsi que commence une amitié entre José et moi. Mais avec Euphorico, ce n’est pas sans effort. Lors du premier essai, je ne parviens même pas à faire une ligne droite. J’ai dû revoir toute ma position à cheval et bosser dur avant de me voir confier Euphorico en autonomie.
Au bout d’un an, le club hippique se rend compte que mes capacités ont bien évoluées. Annabelle, ma monitrice me confie alors un cheval réputé difficile. En effet, ce dernier jette tous ses cavaliers à tous les cours. C’est alors que commence un duo d’enfer. En plus de ne pas me faire » décapsuler « , je parviens à amener ce cheval à bien travailler. C’était en 2016, Canada avait 4 ans. Depuis, on ne s’est plus quitté.
La consécration :
Ma mère et moi ne nous contentons pas de monter à cheval. Nous avons suivi l’équipe de dressage de notre club hippique lors des concours pendant plusieurs années. Cette discipline m’intrigue et me passionne depuis longtemps. Du coup, je me plonge dans les traités équestres.
A force de progresser, je suis arrivée à m’inscrire à une compétition de dressage dans mon club avec Canada.

Le trot assis me fait lever les mains très haut. La fatigue raidit tout mon corps. Mon dos se voûte. Ma tête se balade sur les épaules. Canada me reste fidèle jusqu’à la fin. Je sors de l’épreuve épuisée mais très fière. J’ai obtenu un pourcentage de 62%. C’est bien plus que ce que ma mère et moi avions prévu. Mais ce n’est rien comparé à ce qui va suivre. L’un des moniteurs a été tellement époustouflé par l’attitude de Canada, qu’il décide de le remonter pour continuer sa formation. Une véritable reconnaissance du mon travail avec ce cheval.
La handicap :
On pourrait se dire qu’à force de travailler, je vais intégrer l’équipe de dressage ou une équipe adaptée à mon handicap. Malheureusement, non.
Je ne peux pas intégrer l’équipe de dressage de mon club. Partir tous les week-ends en concours, serait trop épuisant. Mon travail me demande beaucoup d’efforts et j’ai besoin de mes week-ends pour récupérer de ma semaine. Et même comme cela, au bout de deux mois sans congé, je suis à ramasser à la petite cuillère. De plus l’expérience avec Euphorico m’a montré qu’il serait difficile de monter plus d’une fois par semaine. Mon corps doit avoir le temps de récupérer après les séances.
Ensuite, mon handicap n’est pas assez invalidant pour intégrer une équipe handisport. Je suis trop autonome, et pourtant, mon handicap est là. Je me trouve ici, entre deux chaises dont l’espace ressemble parfois à un gouffre.
Pas assez handicapée d’un côté et trop handicapée de l’autre. J’ai atteint l’âge où la rééducation a fait tout son possible pour me donner le plus d’autonomie. Je peux encore progresser mais je resterai toujours limitée par la fatigue liée à l’hypertonie (contraction involontaire des muscles). Plus je suis fatiguée, plus je suis contractée dans les muscles.
Le travail :
En 2019, je travaille 30 h par semaines dans un métier qui me plaît. Mon poste est adapté et me permet d’avoir du temps pour me reposer. Je commence alors un blog sur l’art de monter à cheval. Ce blog me passionne.
Mais voilà, le virus du covid arrive et la quantité de travail augmente au sein de l’entreprise. Le nombre d’heures de travail des collègues explose. La pression explose au même rythme. On me retire petit à petit certaines adaptations de poste pour me mettre sur un pied d’égalité avec mes collègues en souffrance. La pression augmente sur les boulots, la moindre petite erreur est un tsunami pour moi. J’essaye de prendre sur moi. Certains collègues sont en burn-out et quittent l’entreprise.
A force d’essayer, je fais un burn-out à mon tour. Je continue de monter à cheval avec des douleurs dans le dos pendant 6 mois. La kinésithérapie ne fait que des massages de soulagement. Fini les exercices d’équilibre ou de coordination pour progresser à cheval. Ma prise de médicaments augmente. Je n’en peux plus, je ne trouve plus de solution. Mon patron me propose alors une rupture conventionnelle.
Je me retrouve au chômage. Mon vécu dans les différentes entreprises me ramènent toujours au même endroit.
Je comprends que je ne peux pas travailler dans un statut salarié. Les contraintes sont trop lourdes par rapport au handicap. Quant au salaire, j’atteins un plafond. Un phénomène que je retrouve chez mes autres amies handicapées.
Après avoir passé sa vie à être le plus autonome possible, le goût est amer. L’adage « Quand on veut, on peut. » me met dans une colère noire.
Une passion, une vision, un travail et un revenu :
Mon corps ne me permet pas de monter plus d’une fois par semaine sur une longue période. Cependant j’espère que mon savoir équestre et ma vision peuvent aider les autres dans toutes les disciplines. Mon premier blog avait eu de très bonnes remarques par des personnes inconnues et très différentes.
Aujourd’hui, je me lance un défi : Vivre de ma connaissance équestre.
Je rêve de transmettre ce que j’aurais voulu apprendre. Je rêve de ce cavalier qui me dira que mon blog l’a vraiment aidé à aller au sommet de ses envies :
- Créer une bonne relation avec son cheval,
- Dresser un cheval,
- Partir en randonnée,
- Gagner des courses, des concours de CSO, des dressages ou de Cross.
En échange, je demande un peu de sous pour m’offrir une bonne religieuse au café tous les mois.
Après tout, on en revient toujours à la même phrase :
Même si l’on veut, on ne peut pas toujours y parvenir. Le principal est de tester autre chose. Comme le dit souvent ma mère :
“ Qui ne tente rien, n’a rien.”
Ma famille
Parler de moi, c’est forcément parler d’une famille. J’ai eu la chance de tomber sur une famille aimante mais aussi pragmatique et très soigneuse. Mon arrivée fracassante, pour ne pas dire fracassée, a bouleversé la vie de mes parents, de mon frère alors âgé de 4 ans et de leurs proches.
Ils aurait pu refiler le bébé à des institutions pour ne plus en entendre parler. Ils auraient pu écouter l’avis du premier médecin qui leur disait que le légume devant eux serait en fauteuil à vie.
Sur les multiples destinées qui s’offraient, ils ont décidé de tout prendre en charge. A commencer par le changement de médecin. Ils ont assumés les bons et les mauvais côtés. Ensemble, on est allé bien plus loin qu’un fauteuil roulant.
Je dédie mon travail à ma famille qui s’est agrandie depuis.