Nous sommes maintenant sur le dos de notre monture, mais que faire ? Comment utiliser notre corps pour communiquer avec notre cheval alors qu’on utilise principalement la parole en temps normal ?
Pour communiquer avec les chevaux, nous utilisons des aides. Pour interagir avec notre cheval, il en existe de deux types. Les parties de notre corps que nous utilisons, pour interagir, sont appelées “ les aides naturelles ”. Toutes les aides supplémentaires, se nomment “ les aides artificielles ”.
Chacune des aides a une position neutre. C’est-à-dire, une position qui n’indique rien au cheval. C’est l’équivalent du silence dans une conversation ou un morceau de musique. C’est cette position neutre que nous décrirons dans cet article.
Cet article est « costaud » comme Popeye après avoir avalé de sa dose d’épinards. Je vous en présente ici le plan afin de mieux vous repérer.
- Les aides naturelles
- La tête
- Le haut du corps
- Le tronc
- Le bas du corps
Les quatre points ci-dessus seront structurés ainsi :
- Action sur le corps du cheval
- Bonne position
- Mauvaise position
- Exercices à effectuer chez-soi
- Les aides artificielles
- La cravache
- Le stick
- Les éperons
Les trois points ci-dessus seront structurés ainsi :
- Description
- Position
- Utilisation
- L’utilisation des aides
- L’indépendance des aides
- L’ordre des aides lors des demandes
- L’intensité des aides
Les aides naturelles
Avez-vous déjà remarqué qu’il y a souvent une ambiguïté sur ce qu’est le langage ? Croire que l’on utilise uniquement les mots pour communiquer est une erreur. Si je dis « Laisse-moi » avec un regard franc et un ton brutal, vous le comprendrez comme un ordre. Mais si je le dis avec un regard rieur alors vous saurez qu’il s’agit d’un jeu, d’une blague. C’est toute cette communication corporelle que l’on doit utiliser consciemment pour monter à cheval. Au début de l’apprentissage de l’équitation, on accentuera les gestes comme un enfant qui prononce ces premiers mots. Puis petit à petit, notre langage s’affinera.
La tête
Action sur le corps du cheval
La tête du cavalier n’agit sur aucune partie du cheval. Votre tête doit être indépendante de vos épaules. Le plus difficile est de tourner la tête sans entraîner les épaules avec. C’est avec votre tête et votre regard que vous vérifiez que votre trajectoire est dégagée ou que vous pouvez tourner sans danger.

Bonne position

C’est très simple. Vous irez là où vous regardez.
Si vous regardez loin devant vous, vous irez loin. En revanche, si vous regardez le sol… vous irez au sol et souvent sans votre cheval. Regarder loin devant soi permet de mieux appréhender l’environnement, d’anticiper les problèmes de trajectoire.

Mauvaise position
Si vous baissez la tête et regardez le sol ou uniquement votre cheval, vous vous coupez de ce qui se passe autour de vous et vous ne maîtrisez plus la trajectoire. Cela perturbe votre cheval et vous risquez de rentrer dans un autre cheval. Votre monture ne s’arrêtera pas forcément d’elle-même si elle fonce dans un autre cheval, avec comme conséquence possible des comportements agressifs (charge, attaque).. Vous risquez également de vous faire botter par le cheval situé devant vous s’il vous sent trop près de lui. Donc le regard est vraiment important.

Exercices à effectuer chez soi
Le but de ces exercices est de mobiliser votre tête sans jamais bouger vos épaules.

Le haut du corps
Action sur le corps du cheval
Le haut de votre corps, c’est-à-dire tête, épaule et bras, agit sur l’avant-main, la tête et l’encolure de votre monture.

Bonne position
La position du haut du corps doit être droite pour rester la plus efficace possible. Les épaules tombent naturellement de chaque côté. Les bras et les avant-bras positionnent les mains au-dessus du garrot, chaque main étant située de chaque côté des épaules du cheval, en vue aérienne. On parlera de la position des rênes dans l’article suivant.

Mauvaise position
Le plus souvent, on a tendance à placer les épaules vers l’avant. Cette position bloque votre cou et réduit l’amplitude de vos bras. Ainsi, la seule action possible est de remonter les coudes sur le côté et vers le haut. En conséquence, vos avant-bras ne peuvent plus tourner sur le côté. Vous êtes coincé !

Exercices à effectuer chez soi
Important ! De la même façon que vous devez pouvoir tourner la tête sans bouger les épaules, vous devez pouvoir tourner les épaules sans bouger les hanches.
Exercice : dissocier les épaules et la tête.

Le tronc
Action sur le corps du cheval
Le tronc relie le haut et le bas du corps. Dès que vous le déplacez intentionnellement, vous agissez forcément sur les deux autres parties du corps. Votre tronc sert à répartir le poids entre le haut et le bas du corps. Il sert donc à vous équilibrer.
Comme votre tronc fait la liaison entre le haut et le bas de votre corps, en conséquence, il agit aussi sur les parties suivantes du cheval : l’encolure, le tête, l’avant-main et l’arrière-main. Par conséquent, nous pouvons conclure que le tronc agit sur tout le corps du cheval.

Position
Vous devez avoir les épaules au-dessus des hanches comme lorsque vous marchez. De plus, votre abdomen doit pouvoir se gonfler et se dégonfler facilement. Le dos est droit. Vous devez pouvoir tracer une ligne verticale avec l’épaule, le bassin, et la pointe du talon.

Mauvaise position
Si vous vous penchez en arrière, le cheval sera équilibré sur les hanches. Cependant, vous perdrez de l’amplitude au niveau des bras et des avant-bras. Ce n’est donc pas idéal.
Si vous vous penchez en avant, le cheval sera équilibré sur les épaules et il perdra une partie de son impulsion. De plus, votre tête et vos épaules deviendront beaucoup moins mobiles et vous ne pourrez plus les tourner. Vous risquez alors d’avoir mal au dos.

Exercices à effectuer chez soi
On renforce les muscles du dos et des abdominaux grâce à des …. exercices d’abdos ! Et pensez à respirer aussi !
Ensuite, on travaille la respiration par le ventre. Merci à ma super ostéopathe qui m’a fait découvrir cela ! On place une main sur le torse et une autre sur le ventre. Le but est de remplir au maximum son ventre d’air en essayant de ne pas gonfler les poumons, donc un torse neutre. Tout cela en prenant son temps évidemment.

Le bas du corps
Action sur le corps du cheval
Le bas du corps agit sur le tronc du cheval et l’arrière-main.

Position
Allez, un joli exemple illustré avec nos amis anglais, prenant une tasse de thé et un gâteau à la gelée sur un même plateau. Si on fait trembler le plateau, qui du thé ou de la gelée restera en place à votre avis ? ? Eh bien ce sera la gelée ! Sa souplesse lui permet de rester en place quoi qu’il arrive.
La position du bas du corps dans la selle : Merci de ne pas vous asseoir à cheval comme sur une chaise ! Je répète ! On ne s’assoit pas à cheval… On s’accroupit. Le fait de vous mettre debout sur les étriers puis de descendre entre vos jambes place votre bassin dans la bonne position. Ce dernier repose sur les pointes des deux ischions et le pubis. Ainsi positionné, vos muscles adducteurs se trouvent plaqués à la selle. Les jambes sont naturellement dans le prolongement. Vos pieds rentrent dans les étriers, les talons positionnés le plus bas possible.

Mauvaise de position
Les jambes en arrière, ou plutôt, le bassin basculé en avant. Vous vous retrouvez trop en avant et, pour compenser, votre dos se cambre. De plus, vos coudes reculent (donc vos avant-bras aussi) et ne peuvent plus fonctionner librement. Si le cheval baisse la tête et tire sur les rênes, il vous fera perdre l’équilibre facilement.
A l’inverse, avec le dos en arrière, vos bras se tendent et perdent toute action latérale. Vous ne pourrez que tirer.

Cependant, cette dernière position (bassin en rétroversion) est la position de sécurité ! En effet, en cas de perte de contrôle du cheval, vous mettre en arrière est la meilleure solution pour garder l’équilibre en attendant que le cheval se calme.

Exercices à effectuer chez soi
Pour décoordonner vos jambes, il faut simplement demander à chacune d’elles un mouvement différent.

Et si on combinait différents exercices maintenant ?
Voici une série d’exercices pour coordonner le haut et le bas du corps. Il existe de multiples exercices à combiner. A vous d’être créatif.

Les aides artificielles
La cravache
Qu’est-ce que c’est ?
La cravache est un bâton plus ou moins court et épais dont la longueur ne doit pas excéder 75 cm. Elle a une poignée antidérapante, parfois agrémentée d’une dragonne (sangle que l’on passe autour du poignet mais qui s’avère gênante lors des changements de main) et avec, à son autre extrémité, un élément un peu plus large que l’on nomme souvent une « claquette ».
Position
La cravache se prend dans une des deux mains, de préférence, dans la main intérieure afin de mieux cadrer le cheval entre le pare-botte ou la lice et la cravache. Elle ne doit pas bouger ni reposer sur l’épaule du cheval. L’idéal est qu’elle ne le touche pas sauf pour lui indiquer une action précise.
Utilisation
La cravache est une aide, jamais un instrument de punition (c’est pour cela que je déteste les claquettes en forme de main ! On n’est pas là pour gifler mais pour inciter doucement). Pour utiliser la cravache, on met les deux rênes dans une main pour libérer le bras qui tient la cravache et on vient tapoter, voire effleurer, l’endroit que l’on souhaite mobiliser. C’est-à-dire, derrière la jambe ou sur l’épaule, toujours avec douceur. Les coups violents sur la croupe ou sur toute autre partie du corps de votre monture relèvent de la maltraitance et sont à proscrire. Parfois, le seul fait d’avoir une cravache dans la main, sans pour autant s’en servir suffit à rendre votre monture plus vigilante.

Le stick
Qu’est-ce que c’est ?
Comme la cravache, le stick est un bâton. La différence est qu’il est beaucoup plus long, entre 100 cm et 120 cm. Il est plus souple, plus fin. Son embout est plus souple que le corps même du stick.
Position
Le stick se positionne comme la cravache. Pour rappel, il se prend dans une des deux mains et de préférence, dans la main intérieure. Il ne doit ni bouger ni reposer sur l’épaule du cheval, le mieux étant qu’il ne touche pas le cheval.
Utilisation
Contrairement à la cravache, la longueur du stick permet de garder une rêne dans chaque main et d’accéder facilement à la partie du cheval située derrière la jambe. Un stick effleure simplement la zone que l’on veut mobiliser. Tout comme la cravache et pour les mêmes raisons, on évite la croupe. Le stick doit rester une aide et en aucun cas un outil de punition. On utilise souvent le stick en dressage, notamment pour s’aider dans les déplacements latéraux (une cession à la jambe, un appuyer …). Mais on l’utilise également dans les autres disciplines, pour affiner les actions de sa monture : en saut par exemple et toujours avec douceur.

Les éperons
Qu’est-ce que c’est ?
Un éperon est une aide métallique porté par paire et situé à l’arrière de vos bottes, au niveau du talon et de la cheville, généralement sous la malléole. Il en existe de différentes formes et tailles (entre 1,25 cm et 3,5 cm).
L’éperon est composé d’une pièce de métal et d’une lanière en tissu ou en cuir. La pièce de métal est elle-même composée de deux parties. La première partie en U emboîte la cheville et tient grâce à la lanière qui passe dans ses branches et sous le pied, lanière qui se referme sur le cou-de-pied. Une gaine de caoutchouc peut être ajoutée sur les branches pour éviter que l’éperon ne bouge. La seconde partie est un embout, aussi appelé tige, qui est positionné au milieu du U. Cet embout peut être plus ou moins grand, de forme arrondie, carrée ou à molette, orienté à l’horizontal ou légèrement incliné (dans ce cas, un éperon est toujours porté l’embout vers le bas).
Position
La position de base de l’éperon est celle du pied. Si le pied est bien parallèle au cheval sans le toucher, l’éperon est inactif. Pour l’utiliser, il suffit de légèrement tourner le pied vers l’extérieur.
Utilisation
Rappel important : L’éperon est une aide et en aucun cas un outil de coercition ou de punition. Son utilisation doit être douce et réfléchie. Il ne remplace, en aucun cas, vos jambes mais il sert à affiner un mouvement précis et déjà convenablement engagé.
L’éperon s’utilise en ouvrant légèrement les talons vers l’extérieur. Cette aide étant plus dure que la cravache et le stick, elle est à proscrire tant que votre jambe n’est pas fixe. C’est pour cela que l’on ne doit pas l’utiliser avant d’avoir atteint le niveau « galop 4 ».

L’utilisation des aides
Avez-vous remarqué ? Pour les exercices des bras et des jambes, je vous demande soit d’associer soit de dissocier chaque membre. Le but est de travailler l’indépendance de vos aides.
L’indépendance des aides
Chaque aide doit être indépendante des autres. En médecine, on parle de coordonner ses actions et de décoordonner. Coordonner, c’est-à-dire ordonner et combiner des actions ou des activités distinctes pour effectuer un mouvement précis, comme frapper des mains pour applaudir. Décoordonner, c’est dissocier l’action de deux membres pour effectuer des mouvements séparés, comme les mains sur un piano.
Dans ma pathologie, j’ai des soucis dans la coordination et donc de décoordination. Cela ne vous paraît pas logique ? J’ai oublié de préciser que coordination/décoordination sont des actions volontaires. Prenons un clavier d’ordinateur : Lors de l’écriture d’un texte, on tape sur une touche avec un doigt d’une main et les doigts de l’autre main se préparent pour se placer sur les touches correspondant aux lettres suivantes. Cette coordination des mains permet d’écrire plus vite sur son clavier.
Maintenant, imaginons qu’une main tape sur le clavier, mais cette fois, l’autre main se contracte comme un poing. Elle n’est alors plus utilisable pour atteindre les touches. Dans ce cas, on n’est plus dans la décoordination. On parle alors de dysmétrie. Et on doit passer par de la rééducation pour la réduire.

C’est mon cas, lorsque je regarde quelqu’un faire une action très minutieuse, mon visage se crispe et mes mains se tordent. C’est assez étonnant à voir. Et lorsque c’est ma mère qui est en face, elle me dit toujours la même phrase : « Détends-moi ces mains ! C’est moi qui fais ! ».
Tiens en parlant, rééducation, saviez-vous qu’avant d’apprendre à décoordonner, il faut toujours commencer par coordonner ? C’est lié au fait que la coordination est plus simple à mettre en place. Elle permet de caler un mouvement qui pourra ensuite être modifié par petite touche pour décoordonner.
Chaque aide doit être utilisée indépendamment les unes des autres.
L’ordre des aides lors des demandes
« Pour freiner, je tire sur les rênes et, pour avancer, je mets des coups de talons. »
Non ! Cette phrase est complètement fausse. Pour chaque action, vous utiliserez toujours plus ou moins d’aides, chaque aide devant être utilisée de façon graduelle. Tirer sur les rênes sans action préalable pour indiquer au cheval que l’on veut freiner, peut lui faire très mal. De même que donner des coups de talons dans les côtes n’est pas agréable.
C’est comme si pour demander l’heure, je vous hurlais : « DONNE MOI L’HEURE ! ». Cela n’a aucun sens. Je préfère arriver vers vous doucement, vous regarder, vous sourire et demander poliment : « Auriez-vous l’heure s’il vous plaît ? ». A l’inverse, on n’a pas besoin d’en faire des tonnes : « Monsieur, pourriez-vous m’indiquer l’heure qu’il est sur votre magnifique montre ? Vous seriez bien aimable ».
Une demande est toujours graduelle et nécessite souvent l’intervention de plusieurs aides.
L’intensité des aides
Il faut évoquer la mauvaise réputation des aides artificielles. En effet, on a tendance à juger les cavaliers les utilisant comme des cavaliers violents. Cette vision vient du fait que beaucoup de cavaliers utilisent mal ces aides.
Une aide n’est pas violente en-soi, c’est la façon de l’utiliser qui est violente : par exemple, si je mets un gros coup de talon au lieu de commencer par serrer progressivement mes jambes. L’aide est pourtant dite naturelle mais sa façon de l’utiliser est très violente. A l’inverse, si je suis à pied, je peux tapoter doucement avec un stick pour décaler les hanches. C’est utilisé ainsi en équitation éthologique. Pourtant le stick est considéré comme un outil violent.
Et bien sûr, ce sont les éperons qui ont la plus mauvaise réputation. Pourtant, lorsque Bartabas les utilise avec son cheval Tsar, tout est doux et simple. Il utilise l’éperon avec tellement de précision que chaque toucher correspond à une demande différente.
L’intensité de l’aide doit être proportionnelle à la demande.
Félicitations !
Cet article est le cœur de notre chapitre ! Cela a été pour moi un régal de l’écrire. Cela fait du bien de poser des mots sur ce qui m’a manqué dans mon apprentissage. Cette compréhension des aides et de comment les utiliser va vous permettre d’aller beaucoup plus loin.
Je voudrais dédier cet article à deux de mes monitrices, Anabelle et Chrystale qui m’ont permis de comprendre tout cela, et qui le professe dans leur enseignement avec la cavalière que je suis. Leur respect du cheval, du cavalier et leur volonté de les faire progresser à leur rythme est vraiment impressionnant.
Sur ce, nous allons passer à la suite et descendre tranquillement de cheval. Nous verrons toute la partie « exercices » lors des cours, dans le chapitre suivant.
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